Le cinéma de Senlis a eu la bonne idée de programmer hier soir le plus senlisien de tous les films tournés dans notre superbe ville : Le roi de cœur de Philippe de Broca.
Une merveilleuse occasion de reprendre notre visite de Senlis car quand je vous dis qu’il s’agit du plus senlisien de tous les films, c’est que celui-ci a été intégralement tourné dans les rues de la ville. Et cerise sur le gâteau, le scénario est de Daniel Boulanger, grand écrivain qui y a vécu de nombreuses années.
Bref, un must dans cette rubrique Senlis Stories en technicolor !
Le Roi de cœur a été tourné en 1966 par Philippe de Broca. Le nom de ce réalisateur est évidemment associé à celui de Jean Paul Belmondo avec qui il a tourné 6 films (Cartouche, L’homme de Rio, Le magnifique, Les tribulations d’un chinois en chine…).
Mais ce dernier ne figure pas au casting du Roi de cœur qui n’est pour autant pas privé de « vedettes ». En vrac : Micheline Presle, Michel Serrault, Pierre Brasseur, Julien Guiomar, Jean-Claude Brialy, Françoise Christophe et bien sur dans les rôles principaux Alan Bates et Geneviève Bujold.
Le succès du film a été assez moyen sans doute à cause de son caractère fantaisiste pas très apprécié à l’époque. Le profond message du scénario n’a semble-t-il été perçu qu’aux États-Unis où il est considéré comme culte.
Le film vient d’être restauré. Si vous avez l’occasion de le voir près de chez vous, ne le ratez pas ! C’est un petit bijou de poésie et puis, Senlis y est merveilleusement mise en valeur.
Difficile d’ailleurs de choisir un endroit spécifique de la ville pour illustrer ce tournage tant les coins de la ville utilisés comme décor sont nombreux.
Voici le pitch : Avant d’évacuer Marville, en 1918, les Allemands dissimulent une charge d’explosifs. Avertis, les alliés chargent le soldat Plumpick d’en trouver la cachette. Arrivé en ville, tous les habitants ont déserté à l’exception des pensionnaires de l’asile d’aliénés.
De nombreuses scènes dont celle d’ouverture pendant laquelle les Allemands minent la ville, se déroulent Place Notre Dame sur le parvis de la cathédrale. C’est donc cette place, à laquelle les décorateurs ont apporté de nombreuses modifications, que nous vous présenterons aujourd’hui.
Voyons donc ce que vous ne retrouverez pas sur cette place puisque du au talent des décorateurs.
- Un énorme bunker (qui deviendra une sorte de kiosque à musique) a été ajouté au centre de la place.
- Toute la façade sud de la place a été remplacée par le commerce du malheureux coiffeur et le beffroi dans lequel se trouve le lansquenet qui sonne à minuit.
- Enfin, l’ancien évêché (dont nous avons vu l’autre face rue au Flageard dans notre précédent article) faisant office de Kommandantur dans le film, a été entouré d’un mur.
Le reste n’a (presque) pas changé… Faisons le tour de la place !
La Cathédrale
Bien qu’omniprésente dans le décor du film, aucune scène n’a été tournée dans la cathédrale. Monseigneur Marguerite, l’évêque des fous merveilleusement interprété par Julien Guiomar, s’installe dans l’église Saint Pierre désaffectée dont nous avons déjà parlé avec Peau D’âne, et La nuit de Varennes.
Mais revenons à la cathédrale. La façade du transept que nous apercevons derrière le bunker est beaucoup plus tardive que l’ensemble de l’édifice. Réalisée entre 1520 et 1538, par les Chambiges père puis fils. Elle est sans conteste un des chefs-d’œuvre du style gothique flamboyant en France.
Le superbe portail de la façade sud est strictement symétrique à celui de la façade nord dont nous vous avons parlé avec Arsene Lupin. Il est encadré de deux tourelles très ouvragées servant d’escaliers. Ses colonnes torsadées sont un avant goût de l’art de la Renaissance. Son tympan est composé de vitraux contrairement à celui de la façade Nord. Au dessus du portail, un gable (c’est le nom de l’ornement triangulaire sculpté – avouez que ça fait classe de le glisser l’air de rien dans la conversation quand vous passez devant la cathédrale ;)) se dresse devant une claire-voie au-dessus de laquelle une rosace éclaire l’intérieur du transept. Enfin tout en haut, un pignon triangulaire orné d’une balustrade, surplombe l’ensemble.
L’ancien palais épiscopal
Faisant un angle avec le chevet de la cathédrale, se trouve l’actuel Musée d’art et d’archéologie de Senlis dont je ne saurais trop vous recommander la visite. Les scénographes y ont fait un merveilleux travail de mise en valeur des lieux et de présentation des œuvres.
En effet les travaux d’aménagement réalisés en 1985 ont mis à jour des vestiges gallo-romains dans le sous-sol qui sert aujourd’hui d’écrin entre autres à une fantastique collection d’ex-voto.
Signalons également la magnifique réfection de la chapelle du chancelier Guerin dans lequel le peintre Thomas Couture avait installé son atelier et qui abrite aujourd’hui l’entrée du musée (ne loupez pas la très précise maquette de Senlis qui vous aidera à vous repérer dans les ruelles de la ville) et à l’étage les collections de peinture.
Plus récemment encore, la remise en état de la splendide galerie renaissance de la façade nord ajoute au plaisir de la visite s’il en était besoin.
Enfin, au delà du lieu, les collections abritées par le musée sont aussi particulièrement intéressantes. Du socle en bronze de la statue de Claude (48 apr J.-C.) aux peintures des deux plus célèbres peintres senlisiens (Thomas Couture et Séraphine de Senlis), s’ajoutent de petits trésors de Corot, Boudin et bien d’autres…
A l’époque du film ce bâtiment était occupé par le Tribunal d’instance. Dans le film, il s’agit de la Kommandantur. On y voit Daniel Boulanger, scénariste et dialoguiste du film mais également acteur dans le rôle du colonel allemand Von Krak, décider de faire sauter la ville et Philippe de Broca y faire une courte apparition dans le rôle d’un caporal brimé du nom d’Adolf…
Le cotés sud et ouest de la place
Le beffroi au lansquenet situé à l’angle de la place n’a donc existé que dans l’imagination des décorateurs. Cette construction masque en partie la rue Saint Frambourg qui conduit à la chapelle du même nom dont nous parlerons dans un prochain article.
Les commerces (coiffeur et nouveautés parisiennes) ainsi que la maison du notaire qu’on aperçoit dans le film sont en fait aujourd’hui un restaurant dont la terrasse offre une splendide vue sur la cathédrale : Le Scaramouche.
Enfin, tout à droite, la banque est en fait l’hôtel du chanoine Desprez, une splendide maison renaissance en briques et pierres de taille magnifiquement restaurée il y a quelques années.
A droite de la rue Sainte Prothaise, deux harmonieuses bâtisses de la paroisse Saint Rieul complètent le quadrilatère et rejoignent la place du parvis.
La Place Notre Dame est aujourd’hui un lieu de promenade agréable. Ce ne fut pas toujours le cas… Elle a longtemps été un parking dont les rangées de voitures empêchaient de profiter de la beauté du lieu. Réaménagée en 2009, le goudron a été remplacé par des pavés. Si vous y prêtez attention, vous remarquerez que ces pavés présentent un arrangement parfois surprenant. C’est que les conservateurs ont souhaité laisser une traces des fondations d’habitats anciens retrouvés sous la place. Amusez vous à les retrouver !
Autres lieux senlisiens
Bien d’autres rues se retrouvent dans ce merveilleux film. Nous en parlerons dans nos prochaines promenades mais citons quand même le parc du château royal avec le prieuré Saint Maurice qui sont l’asile et son jardin. Ou encore la maison close de Madame Églantine (Micheline Presle) dont l’entrée se situe tout en bas de la rue de Meaux, L’église Saint Pierre dans laquelle notre roi de cœur (Alan Bates) est sacré…
Allez, c’est fini pour aujourd’hui. Encore une fois, si vous en avez l’occasion, ne ratez pas ce très chouette film et…
Rendez-vous bientôt pour une prochaine ballade… 🙂